Juillet 1205,
Alors que l’enfant venait de s’éveiller, le Comte la prit dans ses bras et la contempla. Il ne pouvait détacher son regard d’elle, ses yeux verts, ses cheveux sombres aux reflets rougeoyants.
Cette chevelure acajou, ce regard clair, ces traits délicats, elle les tenait de sa mère, la Dame de Castelmirail, cette douce Comtesse aimée de tous.
Tescelin De Brisay de Castelmirail avait aimé Eléonore d'un amour sans faille jusqu'au dernier jour.
« Ne pour autre quelconques jamais te lairai tant que tu viveras et que viverai »
Tels étaient les vœux
qu'il avait prononcés lorsque bien des années auparavant il s'était uni à la
jeune Eléonore Thomassin. Alors que ses
lèvres avaient prononcé cette formule rituelle du mariage, son cœur avait
acquiescé de tout son amour. Et voici qu'à présent, elle était partie sur
l’autre rive.
Le seigneur de Castelmirail s’était imaginé âgé avec son
épouse à ses côtés, jouant avec leurs petits-enfants,
leur racontant des histoires de valeureux chevaliers et de princesses. Mais le destin en avait décidé autrement, l’amour de sa vie
lui avait été brutalement enlevé. Il n’avait fallu que quelques instants pour
que tout bascule.
La veille il avait accompagné son épouse jusqu’à sa dernière
demeure. En ce bien funeste jour, les cieux eux aussi semblaient malheureux,
ils avaient déversé des torrents de pluie et de grêle pareils à des larmes de
tristesse et de colère face à cette brutale et injuste disparition.
La comtesse reposait pour l’éternité dans un lit de marbre. Plus jamais son sourire ne reviendrait, il ne la tiendrait plus dans ses bras ni ne s’endormirait à ses côtés. Sa douce voix s’était tue pour toujours.
Sa peine était immense, en mourant, Eléonore avait emporté
avec elle une partie de son cœur.
Comment pourrait-il surmonter ce chagrin qui le
consumait ?
Pourtant il devait poursuivre son chemin et honorer la mémoire de sa
défunte épouse. Il ne pouvait pas
renoncer à la vie, il lui fallait
continuer pour Emma, cette enfant
longtemps attendue et désirée.
Il se devait de l’élever dans le souvenir de sa mère et de
faire d’elle une dame de la noblesse, la digne héritière de Castelmirail, cette
petite seigneurie du Sud de la France.
à suivre...