Chapitre 3 partie 1

Mésalliances chapitre 3.1








                                              
        Un an plus tard, deux hommes à la mine patibulaire, l'un semblant âgé de plus de soixante ans, le second qui devait avoir environ quarante ans se présentèrent au château. Ils voulaient s'entretenir avec le Comte, méfiant, le sénéchal refusa tout d'abord leur requête. Ils se firent menaçants, Gaston les autorisa à entrer dans le château. Il remarqua la ressemblance entre les deux hommes.

Le comte les reçut dans ses appartements privés, l’entretien dura environ une demi-heure.
                                                     

Tescelin et les deux hommes quittèrent la pièce, si le seigneur de Castelmirail semblait tendu, les deux inconnus affichaient quant à eux un air ravi sur leurs faces ingrates.                                               
Eléonore les aperçut, elle attendit que les deux étrangers aient quitté les lieux avant d’aborder son époux.
« Qui sont ces deux hommes que vous avez reçus dans nos appartements ?  Questionna la jeune femme, intriguée.
- Ce sont Macaire et Radulf de Tanguay, ils sont les barons de Torlac.
- Je n’ai jamais entendu parler de cette famille.
Tescelin fronça les sourcils.
-Vous me semblez dubitative, ai-je dit quelque chose de mal ?
- Non, bien entendu, mais je trouve étrange que des personnes que nous ne connaissons pas viennent vous demander une audience privée, d’ailleurs que voulaient-ils ?



Le comte parut soudain fébrile.
- Ils désiraient me demander la main d’Emma, le fils pourrait devenir l’époux de notre fille.
- Vous voulez dire le fils du plus jeune de ces deux hommes, n’est-ce pas ?  Interrogea la Dame de Castelmirail, inquiète.
Tescelin baissa les yeux et resta silencieux, son épouse lui prit le bras.
- Que ce passe-t-il ?
- Radulf  De Tanguay, le fils veut s’unir à notre fille.

Eléonore se figea sur place.
- Mais c’est insensé ! Cet homme a au moins quarante ans, il pourrait être son grand-père.
- Il a trente-trois ans.
- Cela ne change rien, cet homme est beaucoup trop âgé pour Emma, d’ailleurs pourquoi veux-t-il l’épouser ?  N’y a-t-il  point de femmes convenables et de son âge dans la baronnie de Torlac ?  Répliqua sèchement la comtesse. 



- L’héritier de Torlac veut faire un bon mariage avec une jeune fille de noble famille et lui faire cadeau de ses terres fertiles et forêts giboyeuses.
- Il y a de nombreuses jeunes filles de noblesse dans le royaume, alors pourquoi notre fille ? Que veulent-ils réellement ?  Tout cela me semble bizarre, Emma n’est qu’une toute petite fille.
- J’ignore quelles sont leurs motivations, donc j’ai décidé d’organiser un festin en leur honneur, ainsi nous en saurons plus sur ce sujet.

- Je ne les ai que très peu vus, mais je n’arrive pas à leur faire confiance, quelque chose me gêne chez ces deux hommes. »
 







Le festin en l’honneur des deux hommes fut organisé la semaine suivante. Macaire et son fils révélèrent être des cousins du  Roi, ce qui étonna la comtesse, Comment des hommes avec d’aussi viles manières pouvaient-ils appartenir à la famille royale ?

Les deux hommes mangeaient bruyamment et buvaient plus que de raison. Ils parlaient à tort et à travers, se vantant de défendre leurs gens au péril de leur vie. Eléonore n’en croyait pas un mot.

Ils racontaient des histoires salaces avec de nombreux détails obscènes.



La Dame de Castelmirail ne supportait pas les manières de ces deux individus. Son regard croisa celui de Macaire, son sang se glaça, il y avait quelque chose chez cet homme et son fils qui la terrorisait. 



La nuit tombait doucement sur les hauteurs de Castelmirail, se sentant oppressée sur le point de défaillir la comtesse quitta la fête et sortit dans la cour. La jeune femme ne se sentait pas bien, elle avait du mal à respirer et la chaleur de l’été n’arrangeait rien.


Son époux avait remarqué son mal-être, il la rejoignit dans le jardin, elle était assise  près de  la fontaine.

 Il s’approcha d’elle et la pris tendrement dans ses bras.
« Que vous arrive-t-il ?  Vous me semblez souffrante.


Elle se dégagea de son étreinte et lui répondit d’une voix éteinte :
- Je vous assure, tout va bien.
- Non, vous n’allez pas bien, je le vois.
- Ce sont ces barons qui me mettent mal à l’aise.
- Il est vrai que leur comportement ne sied guère à la noblesse.
- Ce n’est pas cela qui me gêne, ne n’est pas la première fois que nous avons affaire à des nobles peu éduqués, ni même leur apparence peu avenante, nous avons reçu plusieurs hommes défigurés par les combats. Il y a quelque chose qui m’effraye chez ces deux hommes mais je ne saurais en dire la raison.


Tescelin lui caressa doucement le visage.
- Je sais bien que la perspective d’un mariage entre notre fille et le baron Radulf de Tanguay ne vous enchante guère.
- Comment pourrais-je accepter de donner ma fille en épousailles à un homme dont les desseins ne sont certainement pas des plus louables !
- Je ne lui ai point donné notre enfant en mariage. Il serait enchanté de l’épouser mais j’ai fait comprendre au père et au fils qu’il était trop tôt pour nous engager dans une telle union, Emma n’a pas encore cinq ans. Gageons que dans dix ou douze ans d’ici ils auront oublié cette idée saugrenue.

- J’espère que vous avez raison, un tel homme sans éducation ferait le malheur d’Emma. Je vous en supplie n’organisez plus de fête en l’honneur de ces deux hommes.
- Je n’en ai point l’intention, leur comportement m’a outré. »

La fête se poursuivit jusque tard dans la nuit, Macaire et son fils repartirent à l’auberge où ils logeaient avant de reprendre la route vers Torlac le lendemain midi.




Quelques jours plus tard

La chaleur de juillet devenait de plus en plus écrasante, il fallait attendre la fin de l’après-midi pour espérer des températures clémentes.

Emma jouait avec des enfants de la ville quand soudain elle rentra dans le château.
« Emma, où vas-tu ? Demanda l’un des enfants.
- Il fait trop chaud et je veux voir ma maman, je veux qu’elle me lise une histoire. »



 
Au même moment….

Tescelin et son épouse avaient décidé de faire une balade à cheval à travers la campagne. Il se rendit aux écuries et attendit Eléonore. Plusieurs minutes s’écoulèrent, la comtesse ne vint pas, ce n’était pas dans ses habitudes d’être en retard. Le comte eut un mauvais pressentiment. Très inquiet, il partit à sa recherche.



Il arriva dans la salle de bal lorsqu’il entendit la chienne de la famille aboyer de façon plaintive. À ce moment son sang se glaça, jamais il ne l’avait entendue hurler de la sorte, il comprit que quelque chose de grave s’était produit.